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Critiques et jeux vidéo

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Lorsque j'ai commencé à travailler professionnellement sur un premier jeu vidéo, j'avais une vague idée que, lorsqu'il sortirait, il serait critiqué. Par des joueurs, par des journalistes, en bien et en mal. Mais à vrai dire, je pensais que je n'en aurais rien à faire.

Il faut dire que mon premier jeu professionnel était un jeu de course automobile, de la Formule 1, sport mécanique auquel je ne connaissais rien, qui ne m'intéressait pas des masses. Côté jeu vidéo, ma culture vroum vroum était plutôt à chercher du côté de Dekoboko Densetsu ou éventuellement de Sega Rally Championship. Là, c'était du jeu pour amateur du genre, avec conduite précise, circuits connus,...

Le jeu est sorti et, en étant un des premiers jeux sur Dreamcast, a eu quelques articles prenant acte de sa sortie. Cependant, ce n'était pas vraiment la console pour ce type de jeu et lorsqu'un jour, un vendeur d'une des nombreuses boutiques situées à côté de la place de la République à Paris m'a dit être fan du jeu, j'ai été plutôt surpris. Un peu content, mais surtout surpris de voir que le jeu avait un public réel.

Puis d'autres jeux ont suivis et la couverture médiatique du moindre jeu, accompagnée par l'explosion d'Internet pour le grand public, s'est étendue.

C'est à ce moment que c'est devenu compliqué.

À chaque sortie de jeux, on va voir un peu ce qu'en pensent les joueurs. Et c'est une marée de commentaires à gérer, car tout le monde à son petit avis à publier, et si certains avis sont construits, avisés tandis que d'autres règlent la question de quelques mots lapidaires (« c'est d'la merde! »), ce sont les entre deux qui sont complexes à recevoir.

Ces entre deux ne savent pas particulièrement mener une critique et projettent leurs idées éparses sur le jeu. On récolte alors du « non mais ils auraient du faire comme ça ! », « c'est trop bête qu'ils n'aient pas pensés à ça », « le jeu aurait été 100 fois mieux en ajoutant ça ». Je peux vous rassurer tout de suite : oui, on aurait pu, on aurait du y penser. En fait, on l'a fait. Tous les conseils que j'ai pu lire sur tous les jeux auxquels j'ai participé avaient été au minimum discutés dans l'équipe et dans la plupart des cas prototypés, voire passés en playtests. Une équipe dédiée à un jeu qui bosse dessus pendant 1 à 3 ans a nécessairement eu les idées les plus folles.

Ce n'est pas dans le jeu au final pour plusieurs raisons. Des raisons de temps souvent, des raisons d'équilibre de gameplay, des raisons de « trop n'est pas mieux » voire le plus souvent : ça ne fonctionne juste pas, ça n'est pas amusant.

N'empêche, ces avis sont là, pêle-mêle, et font douter.

Le pic a probablement été pour moi avec Red Steel. À la sortie, beaucoup de monde avait son idée sur la manière dont aurait du être utilisée la Wiimote. Certaines de ces idées partaient d'une idée fausse du fonctionnement du périphérique, qui n'avait pas encore été décortiquée comme il l'a été par la suite. D'autres idées avaient bien été testées lors du développement.

C'est probablement avec Red Steel que j'ai compris qu'il fallait relativiser la critique du public. En premier lieu, le jeu est sorti. À moins d'ajustements post-launch à coup de patches si un jeu compétitif est déséquilibré, il n'est plus vraiment temps de corriger le jeu dans son ensemble et dans ses principes. C'est fait, c'est fait.

J'ai pris le parti d'avoir confiance dans la proposition commune faite par l'équipe et je ne lis plus les critiques que d'un œil lointain. Enfin, ça dépend. Si un jour un jeu sur lequel je travaille se fait critiquer sur Merlant Frit ou a droit à un dossier de fond dans une parution Pix'N Love, je lirai avec attention.

Toute création amène une critique. Il n'est pas toujours évident de les recevoir. Elles font plaisir ou énervent, mais au final sont là et il faut les accepter.

Et à chaque sortie de jeu, il reste quand même un fond de trac.