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Tetris, un jeu casual ?

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Ces temps-ci, j'ai lu quelques fois des phrases tournant sur le thème « ... un casual game, comme Tetris,... ». La première fois, mon sourcil s'est levé. Casual, Tetris ? Je me suis dis que je ne devais pas considérer comme casual les mêmes jeux que l'auteur. Puis c'est revenu.

Aujourd'hui, Daz (archive) pointe (lien mort et non archivé) cet article sur l'histoire des jeux de tuiles similaires. Bref, des puzzle games descendant de Tetris. L'auteur de l'article inclue dans cette descendance des jeux très différentes, bejeweled et puzzloop par exemple qui n'ont de commun que ce mécanisme d'objets similaire qui, lorsqu'ils se touchent, disparaissent. Soit, c'est le titre de l'article, il parle des jeux qui ont comme commun ce mécanisme simple et abstrait.

Ça tombe bien, je suis un grand amateur de ces jeux.

Arrive cette phrase : « At the time of writing (2006), matching tile games are most immediately associated with the game form or distribution channel known as downloadable, casual games. »

Je suis absolument et totalement d'accord : en 2006, ce genre de jeux sont principalement associés, dans la tête du joueur, a du jeu "casual" et téléchargeable. Souvent même gratuit, sur de grandes plateformes comme Neopets, qui déborde de petits jeux en flash. Ce qui me gêne par contre, c'est le flou qui suit cette assertion.

La suite est en effet une tentative de définition de casual game puis un changement de chapitre, sans donner d'avis sur cette association entre ces jeux et l'appellation casual. L'auteur sous-entend donc par défaut que cette assertion est son avis.

Ce n'est pas le mien, mais soit, sa définition du casual game suit, je peux donc vérifier que nous en avons une similaire. Il est évident que sa définition est axé jeux « pc » : on les télécharge, ils sont compatible Windows 98, se jouent à la souris. Ce sont des critères qui sont exclus de ma définition du casual game. Le casual existe sur console sans souris et sans téléchargement... et sans Windows 98. D'ailleurs, c'est le cas de nombreux jeux qu'il cite par la suite.

Sur les autres points, je suis plus ou moins d'accord, cela dépend. L'ennui est que je défini le casual game d'une façon complètement différente. Pour moi, le casual game est celui auquel joue le casual gamer. C'est donc le casual gamer que je défini. Qu'est-ce qu'un casual gamer ? Il ne s'agit pas d'aller chercher dans des critères démographiques, de pouvoir d'achat, des catégories sociaux professionnelles ou de facilité d'accès au jeu. Tous ces critères sont les conclusions logiques de la définition première : le casual gamer ne met pas le jeu au centre des ses activités.

De même que le hard core gamer n'est pas celui qui passe 8h par jour à jouer 1, ni n'achète tous les gros hits, ni n'a des boutons sur la figure. Le hard core gamer est celui dont les activités sont centrés sur les jeux. Il en découle bien sûr d'autres choses au niveau de ses habitudes, de sa façon d'aborder le jeu, de sa manière de vivre. Mais ce sont des implications et non des pré-requis.

C'est à mon avis important car ces pré-requis sont mal définis, changeants, et définir le « casual » à partir de ces critères amène à des flous artistiques.

Pour montrer comme je vois la différence de comportement face au jeu, voici deux joueurs, Jean et Jacques.

Nous sommes samedi soir, Jean a invité des potes pendant la journée en passant des coups de téléphone à droite à gauche. Il y a de quoi boire, de quoi grignoter, de la musique et pendant la soirée, il proposera un Wii Sports, un Eye Toy ou un Singstar. Quelques invités seront intéressés, d'autres en profiteront pour aller fumer dehors.

Nous sommes mardi soir, Jacques a prévu de jouer, mais il n'a pas envie de jouer seul. Il a envoyé quelques mails à des potes et les a convaincu de jouer autrement qu'en ligne : qu'ils amènent des jeux et éventuellement leurs machines. Il lui reste quelques bières si quelqu'un a soif pendant qu'ils jouent. Ils joueront de 21h à 5h du mat, avec éventuellement une pause pour regarder un film.

Jean, le dimanche après-midi, va faire un tour au parc. En chemin, il croise un spectacle de rue et s'y arrête pour regarder.

Jacques, ce même dimanche, va faire un tour au même parc. Dans sa poche, il a une PSP et une fois trouvé un bon petit coin sur la pelouse, il la sort pour faire une partie de Lumines.

Jean est bien entendu casual gamer : il joue, mais n'en fait pas sa priorité. Le jeu est perçu comme un accessoire permettant, autant que d'autres, de passer un bon moment.

Jacques est un hard core gamer : il joue, et autour du jeu il construit son environnement.

L'un comme l'autre peuvent jouer à des jeux avec une courte session et des règles simples. Cela ne définit pas le casual game.

Les règles simples ne donnent pas un jeu simple. Le Go est l'exemple classique (et extrême ?) de cette affirmation. Et les jeux qui permettent une session courte ne sont peuvent définir le \"casual game\", ou bien on y intègre Quake 3 et World of Warcraft. Si ces deux derniers jeux ne sont pas \"casual\", ce n'est pas parce qu'ils ne permettent pas une courte durée de jeux (ils le permettent) mais parce qu'ils demandent un investissement dans le jeu (pour gagner en reflex et connaissance des maps dans le premier, parce que c'est la base du jeu dans le second).

Puisque casual game me semble assez difficile à définir autrement que par « un jeu accessible au casual gamer », je propose un autre classement « des puzzle games de tuiles semblables », ou même des puzzle games en général.

D'un côté, les hypnotiques : le démineur, le jeu avec les balles à séparer sur des terrains de plus en plus petits, les 36 000 versions de solitaire. On y joue un peu sans réfléchir, pour meubler. Le casual gamer y jouera en attendant la fin de son télé-chargement un peu long ou de l'impression de sa thèse. Les autres y jouerons sur une subite envie de battre leur record. Ces jeux sont courts, on y agit mollement et on se retrouve à y jouer un nombre incalculable de fois à la suite, jusqu'à en oublier que le temps à meubler est passé.

De l'autre, nous avons les puzzle games descendant directement des jeux d'arcade « purs et durs » des quinze premières années de l'histoire du jeu vidéo. Puyo Puyo, Columns, Zoo Keeper, Lumines... et Tetris. Ces jeux demandent immédiatement de l'investissement. Derrière les règles simples se cachent des défis qui sont prenants dès les premières parties. Et dès quelques parties passées, le gain en capacités amène à un style de jeu dans lesquels une partie dure assez longtemps et de laquelle on peut sortir aussi fatigué qu'après une session d'un FPS acharné.

Je ne peux pas classer ces jeux dans du casual, car le casual gamer se trompera autant en y jouant que s'il se mettait à jouer à Crysis : il jouera un peu, mais sans apprécier le jeu dans son ensemble.

Sur plusieurs critères, GTA me semble nettement plus « casual » que Puyo Puyo ou encore Mr. Driller. Dans GTA, on peut faire ce que l'on veut. On peut démarrer une petite session de jeu, faire un petit tour en se baladant en vélo. Ni le jeu ni le joueur ne progresse, mais comme dans un Solitaire, le joueur sera satisfait par sa session de jeu.

Dans un Mr. Driller, il est obligatoire de s'investir dans le jeu dès les premières secondes de la partie. Si le joueur ne suit pas le jeu, il perdra en quelques secondes et ne sera pas satisfait. Et pour réussir à Mr. Driller, il faut un sacré investissement.

C'est le même chose pour Tetris. Ce n'est pas un jeu casual.


  1. je soupçonne que certains joueurs au démineur totalisent sur ce jeu plus d'heure que n'importe quel « hard core gamer » sur son jeu préféré 

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