La logique d'Émilie et du Soldat
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Pour moi, il est tout à fait normal que des lapins bleus soient enrhumés, qu'un extra-terrestre soit marié à une symphonie et qu'un petit caillou se sente bien dans la poche d'un enfant. L'enchaînement de tableaux entre une autruche qui danse et une sorcière en colère me semble parfaitement normal.
Et pourtant, lorsque bien plus tard j'ai découvert un spectacle dans lequel on trouve une panthère noire, un conducteur de train, un roi et une reine ou encore un gardien de nuit qui se méfie de tout, la première réaction que j'ai eu a été de me dire qu'il n'y avait aucune logique dans tout cela, que les pièces ne s'assemblaient pas vraiment.
En parlant de l'effet que m'avait fait le « Soldat Rose », on m'a répliqué « oui mais Émilie Jolie ! ». Et avec un peu de recul, en effet. Les deux contes sont des suites de tableaux avec un fil rouge ténu pour une trame de fond un peu prétexte.
Mais rien n'y fait, l'enchantement que me procure toujours les chansons d'Émilie Jolie, dans l'ordre, est sans commune mesure avec celles du Soldat Rose, dont certains titres me plaisent mais dont l'agencement global ne colle toujours pas.
La différence essentielle ? La période de ma vie dans laquelle j'ai découvert ces deux oeuvres. Émilie Jolie est une écoute de ma jeune enfance, j'ai vécu presque toute ma vie avec cette histoire en tête, et elle a probablement défini une partie de ma sensibilité au fantastique. J'ai découvert le Soldat Rose une fois parent, bien plus tard, et cela s'est confronté à l'univers que j'avais déjà acquis.
C'est comme ça.
C'est aussi en tant que parent que j'ai réalisé le terrible contexte de l'histoire d'Émilie Jolie : « La petite fille dans la chambre vide a peur. Elle est là, bien sage, au fond du lit-cage1, toute seule. Ses parents sont tendres mais elle ne peut comprendre qu'ils sortent le soir la laissant dans le noir2. La peur l’empêche de crier. La peur l'empêche de pleurer. »
Bravo les parents...