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Donjons et Dragons, 4ième édition, mon avis

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Il y a un tout juste deux mois maintenant, je parlais de la sortie de Donjons et Dragons 4ième édition. Un mois plus tard, les livres lus, les forums parcourus et le jeu joué, voici ma revue de la bête.

La découverte d'un jeu de rôle commence généralement de deux façons : par une partie avec des joueurs connaissant déjà le jeu ou bien en lisant les règles et les appliquant avec d'autres joueurs.

Avec DD4 et sa jeunesse, on ne peut que commencer par la lecture des règles.On transporte cependant avec soi un passé éventuel de Donjons et Dragons.C'est mon cas.

Cependant, DD4 est une refonte de grande envergure et les règles, mais aussi le ressenti de jeu (confirmé par une première partie) ont beaucoup changés.

Les livres de base

Je crois avoir déjà parlé de l'impression des livres : on est ici dans du haut de gamme. Peut-être même trop haut de gamme pour des livres de jeux de rôle qui sont amenés à servir et à être maltraités. Reste que c'est très agréable.On est dans une ambiance héroïque et haute en couleurs dès l'ouverture.

Parlons donc du contenu : les trois livres de bases (Manuel du Joueur, duMaitre et des Monstres) forment la base du jeu. Celui du Joueur et desMonstres sont très axés sur les mécanismes du jeu. Celui du Maître aborde un peu plus en détail la partie rôle et aventures.

J'ai été assez surpris par le peu d'insistance dans le manuel du joueur sur le côté rôle du jeu. C'est un aspect peu présent et qui peut donner à une lecture rapide un goût de « jeu de plateau ». En fait, en seconde lecture, j'ai trouvé les endroits qui en parlaient. Tout simplement, ma première lecture m'avait fait sauter rapidement ces passages car le rôle n'a pas besoin de règles et ce qui m'intéressaient dans un premier temps, c'étaient les aspects techniques.

Le livre du maitre, lui, parle beaucoup plus en longueur du rôle, des joueurs,de la mise en situation, de l'ambiance d'un jeu. À vrai dire, on trouve à peu près les mêmes sujets présentés à peu près de la même façon dans de nombreux autres livres de jeu de rôle. Mais il est important que cela y soit : tout le monde n'a pas une bibliothèque chargée en livres de jeu.

Le manuel des monstres lui aussi s'intéresse au rôle. À celui des monstres.Là, j'ai trouvé que le livre prenait de la distance avec ce que j'avais pu voir auparavant en ne limitant pas les monstres à une suite de chiffres et àune image, mais à une explication de ces chiffres, la manière de les appliquer. Le monstre, ses tactiques, ses habitudes sont décrites. Les monstres sont aussi présent sous plusieurs « formes ». Par exemple, il n'y a pas qu'un seul Kobold mais quatre ou cinq variantes ainsi que des groupes typiques.

Et toujours des illustrations réussies.

Les règles

Rigoureuses dans mon vocabulaire qualifiant des règles est chez moi un compliment. Et c'est l'adjectif qui m'est venu à l'esprit en lisant les règles puis en les pratiquant. J'y ai ajouté un second qualificatif : claires.

DD4 a profité de l'expérience venant d'autres types de jeu. Les mots ont leur importance et une signification. J'y vois l'apport de Magic: The Gathering quia selon moi apporté une vision de règles du jeu où l'on n'emploie pas un mot pour un autre. On y perd certainement en qualité littéraire, mais on y gagne en clarté.

J'ai souvent été confronté à des règles de jeu (jdr, plateau, wargames) où l'utilisation d'un vocabulaire flou entraînaient de grandes discussions, des désaccords et un plaisir de jouer diminué. On essai de comprendre ce qu'à voulu dire l'auteur mais tout le monde n'est pas toujours d'accord sur la logique qui sous tend le jeu.

DD4 utilise donc un système de mot clé, défini les mots importants. Ainsi, si on lit « action simple », on n'a pas à se soucier d'évaluer ce qui pourrait être « simple » ou « pas simple ». Le terme « action simple » est un terme de jeu défini. Si un pouvoir « immobilise » votre personnage, inutile de se demander ce qu'il peut ou ne peut pas faire et encore moins d'essayer de convaincre votre maitre du jeu que vous n'avez pas la même définition de l'immobilité. « Immobilisé » est un terme précis, défini par les règles.

J'ai vécu trop de parties de jeux de rôle (voire de jeux de plateau ou de wargames) dont le rythme a été brisé par un point de règle mal défini qui,lors d'une situation tendue, fait toute la différence pour le personnage du joueur. Le maitre du jeu a toujours raison, certes, sauf quand il contribue à gâcher le plaisir du jeu.

D'aucun diront que les règles d'un jeu de rôle sont accessoires, le principal étant l'incarnation du rôle. C'est en effet une manière de jouer et pourrait être l'objet d'un article complet. Cela est possible si les règles ne sont pas intrusives, minimales, style Ambre ou encore les « mini jdr » que l'on trouve parfois dans des magazines ou sur le net avec deux caractéristiques (physique et mental) et une règle générale de résolution de tous les cas. Cela est encore le cas lorsque le jeu est avant tout un décors dans lequel les joueurs vont évoluer sans intervention de l'aléatoire dans les résolutions en particulier sans combats. Je pense là à des jeux plus confidentiels comme« La méthode du Docteur Chestel ».

Mais dans un jeu qui fait une part belle aux mécanismes, ceux-ci se doivent d'être précis. Donjon en fait partie. La grande majorité des jeux de rôle en fait partie.

La rigueur entraîne la robustesse. Je verrai ça à la longue, mais je n'ai pour le moment pas vu de « bug » flagrant dans les règles. Le parti pris del'héroïsme et du grandiose aide : les règles ne décrivent pas forcément le réel, elles se doivent juste d'être cohérentes.

L'autre influence marquée est celle du jeu de plateau DD. Ce jeu est un «crawler », c'est-à-dire un jeu dans lequel une équipe de personnages explore un donjon. La notion de rôle y est inexistante, même si, habitude oblige, des rôlistes y ajouteront un soupçon d'incarnation de personnage.

Le jeu de plateau se joue forcément avec les quatre personnages, dotés chacun de capacités nécessaires à l'avancée dans les donjons. On retrouve cette idée dans DD4 avec la notion des « rôles ». À chaque classe de personnage sont associés un ou plus « rôles ». Ce ne sont pas des rôles au sens incarnation de personnage, mais des rôles au sens de l'apport de ses capacités au grouped'aventuriers.

Le manuel du maitre insiste sur le fait que DD4 se joue de préférence à quatre(cinq avec le maitre du jeu) avec des personnages couvrant les quatre rôles.Ce conseil s'applique surtout aux scenarii officiels, mais l'idée est là. Les quatre classes classiques de Donjons et Dragons forment bien les quatre rôles,mais peuvent être remplacés par d'autres (les quatre classes étant : guerrier,mage, prêtre et voleur).

Le conseil n'est pas si bête : à moins, les joueurs risquent de manquer des capacités pour réussir dans le scenario, à moins qu'il ai été spécialement conçu pour eux ; à plus, les joueurs risquent d'avoir des personnages aux capacités redondantes. D'expérience, ce dernier cas est plus ennuyeux : un joueur un peu plus timide qu'un autre avec le même type de personnage a de bonnes chances de s'ennuyer.

Les personnages

Puisque j'ai commencé à parler des personnages, continuons.

Les personnages dans DD4 sont des héros, des vrais ! Un personnage niveau 1a déjà des capacités hors du commun. C'est un parti pris et colle assez à del'heroic fantasy. Fini le mage épuisé d'avoir lancé SON sort de la journée.Fini le guerrier obligé d'aller récurer les fosses à purin pour passer niveau2. Bien entendu, votre personnage n'est pas prêt à aller déloger le dragon terrorisant la contrée.

Chaque classe de personnage a été pensée pour fonctionner avec les autres. DD4n'est pas un jeu d'individualités. Dès qu'il s'agit de mécanisme, il s'agit d'agir de concert. Les combats ne sont pas une succession de « je frappe »mais, offrant une grande palette de choix, offrent un challenge et de la variété.

Tout ça, c'est la partie mécanismes et combat, mais cela a une influence sur l'incarnation des rôles : un personnage qui joue un mage niveau 1 ne provoque pas les ricanements de ces comparses (même inconscients). Cela se ressent dans les phases sociales, les recherches, les enquêtes,...

On n'a a priori pas besoin de mécanismes pour faire du « roleplay », dans la pratique, j'ai toujours trouvé que cela avait une influence. Avoir mis les personnages sur un pied d'égalité dès le niveau 1 en terme de mécanisme se ressent sur l'ambiance de jeu qui devient amusant pour tout le monde car tout le monde s'y sent impliqué.

Le « roleplay »

Le mot magique dégainé dès que l'on veut dire d'un jeu qu'il se limite à du mécanisme, voire à du mécanisme de combat. Ce mot a été lancé avec mépris sur beaucoup de forums sur Donjons et Dragons et, étrangement, sur DD4 par des joueurs des versions précédentes.

Rien n'empêche jamais une table de joueur de faire du « roleplay ». En fonction des joueurs et de la manière de conduire l'aventure pour le maitre du jeu, un jeu de rôle peut se situer entre des extrêmes : jeu de simulation limite jeu de figurines d'un côté, jeu entièrement à l'oral, sans lancé de dés et limite sans feuille de personnage de l'autre.

La plupart des joueurs de rôles se situent entre les deux.

DD4 incite à l'utilisation de figurines, de plans, de cartes de pouvoir.Du matériel vendu par l'éditeur. Bon, certes.

Est-ce que cela empêche l'incarnation d'un rôle ? Non. Un rôliste trouvera toujours le moyen de tenir un rôle. Dans la partie d'introduction de DD4 du manuel du maître, la partie rôle n'est pas bien étoffée (quelques lignes de prétexte pour envoyer les héros dans un donjon). Et pourtant, nous avons joué ces quelques lignes, le maitre a ajouté des détails.

Plus tard dans cette même aventure, et même s'il s'agit de se balader dans une suite de pièce, sans énigme à résoudre, sans complot politique à déjouer, nous avons joué nos personnages. D'autant plus que, fraîchement créés, nous avions envie de les faire vivre autrement que par le combat.

Le fait que des figurines soient placés entre nous sur la table ne nous a nullement empêché cela.

Par contre, les nouveaux joueurs ne sont pas dirigés vers le rôle. Ils peuvent ne voir dans le jeu qu'un jeu de plateau très libre. Ici, ça va être le rôle des magazines, des sites, des parties avec des plus anciens, de faire découvrir la partie rôle à ceux chez qui cela ne vient pas naturellement.

Cela va aussi être le rôle des aventures publiées. Je n'en ai pas lu encore et n'ai pas d'avis dessus.

Ce qui manque, à vrai dire, est un peu plus de présentation de l'aspect rôle dans le manuel du joueur. Le joueur est de même placé dans un univers fantastique très générique. C'est un principe de DD : il se prête à des mondes mais n'impose pas un monde particulier.

J'imagine que c'est ce manque qui fait que DD4 est accusé de ne pas être un jeu de rôles. Le manque d'environnement, le manque d'information sur l'incarnation des personnages dans le manuel des joueurs. Le manuel du joueur est un livre de mécanisme et le « roleplay » n'a jamais eu besoin de mécanismes.

DD4 n'empêche pas de tenir un rôle, il apporte de jolis rouages. Si on n'aime pas la belle mécanique de jeu, voire qu'elle nous gêne, alors je comprends l'argument.

J'aime les jeu bien décrits et jouer avec une mécanique fluide ne m'a jamais empêché de tenir un rôle.

Les figurines

Wizards of the Coast vend des figurines, vend des tuiles de décors. Inutile des'étonner que leur utilisation est intégrée dans les règles.

Sommes-nous obligés d'utiliser leur matériel ? Non. Sommes-nous obligés d'utiliser des figurines et des cases ? Les règles sont faites pour, mais cen'est pas obligatoire : une case fait 1,5 mètre de côté, cela donne une idée des distances. Si vous préférez que tout se passe dans l'imagination des joueurs, que vous ne voulez-pas que vos séquences de combats se transforment en jeu tactique, aucun soucis !

Les figurines vendues par WotC n'ont pas d'information qui ne sont pas dans les règles du jeu de rôle, elles ne sont donc pas indispensables.

Si vous aimez les figurines, par contre, vous avez là un système de gestion fluide, tactique et sympathique.

L'aspect « crawling »

Le « dungeon crawling » appelé aussi « porte, monstre, trésor » est considéré avec dédain par beaucoup de joueurs. Il est vrai qu'un jeu entièrement basé sur du crawling ressemble plus à un jeu de plateau qu'à un jeu de rôle.

Mais le jeu s'appelle DONJONS et Dragons que diable ! La marque de fabrique deDD est le crawling. Ca ne signifie pas que ca limite à du crawler et l'on peut faire de l'enquête, de l'aventure en plein air, un scénario politique avec DD.Mais je trouve normal qu'on trouve dans les règles de quoi faire du dungeon crawling.

On trouve toujours dans le manuel du maitre le classique passage sur la génération aléatoire de donjon, mais celui-ci a subit un petit lifting agréable. Enfin dans la mesure où l'on s'en sert.

Les monstres

Que serait DD sans les monstres. Le manuel des monstres a subit lui aussi une bonne remise à plat. Chaque entrée est détaillée. Les descriptions chiffrées sont conformes au reste de cet édition : claires et rigoureuses. Mais le manuel va plus loin qu'une liste de chiffres.

On y trouve les monstres et leurs habitudes, leurs façons de combattre, leurs tactiques, les membres d'un groupe typique. Les monstres sont aussi présentés sous différents types : le chef, la troupaille, les tireurs,... Suivant les cas, bien entendu.

La licence qui blesse

Wizards of the Coast avait créé la surprise et provoqué un beau chamboulement dans le monde du jeu de rôle avec le système D20 et sa licence ouverte (OpenGaming License). Cela avait permis à de nombreux éditeurs tiers de sortir des produits compatibles D20 et de drainer vers ce système des jeux n'ayant rien à voir avec DD.

Pour la version 4, Wizards a publié une licence beaucoup (et c'est peu dire)restrictive. Pire, le passage à cette licence pour un produit auparavant enOGL oblige à l'abandon de l'OGL sur toute la ligne du produit pour passer complètement à la nouvelle licence.

On retrouve donc un système « à l'ancienne » dans lequel l'éditeur se réserve tous les droits. C'est un revirement de politique assez étonnant et pour le moment, les éditeurs tiers actifs en OGL ne suivent pas.

La licence va-t-elle évoluer après avoir installé la marque ? Ou bien est-ce que cette quatrième édition est verrouillée par Wizards ? L'avenir nous le dira. Pour le moment, c'est verrouillé, ou tout comme.

Mon sentiment

J'accroche. Après un essai sur la version 3.5 qui ne m'avait pas vraiment convaincu et qui nous avait laissé jouer à une sorte d'ADD augmenté de nombreuses règles maison, l'arrivée de la quatrième édition est un vrai changement.

Je suis un grand fan de Rolemaster. Depuis toujours, j'ai l'impression que chaque édition de DD pique des trucs à RM. C'est en fait une illusion, on va dire que c'est une évolution normal. À nouveau, je retrouve des choses que j'aime dans RM et dont je déplorais l'absence dans DD.

Il n'y manque que la flexibilité de RM (les personnages sont encore très typées à DD). Mais cela correspond à une sorte de jeu que j'ai appris à aimer(le crawling) après l'avoir, comme beaucoup, rejeté pendant des années. L'âge et la possibilité de consacrer du temps, sûrement.

Pour ne rien gâcher, nous avons en français un éditeur réactif (pour le moment) et de qualité.

C'est propre et clair, et ça, j'aime.